À la célèbre formule de Frank Stella érigée en définition du minimalisme : « Ce que vous voyez est ce que vous voyez », Lee Ufan préfère « Ce qu'il y a à voir est ce que vous ne voyez pas. ». Les œuvres de cet artiste à la fois peintre, sculpteur, poète, philosophe, créateur d’environnements, agissent comme autant de révélateurs. Elles attirent l’attention sur le vide, la tension créée par les zones vierges de la toile, ou bien sur la distance entre deux éléments d’une sculpture, sur la position du spectateur, sur les reflets et les ombres : tout ce que nous n’avions pas vu au premier regard, et qui pourtant est là, participe de l’œuvre d’art.
Né en 1936 dans une Corée alors sous domination japonaise, l’éducation traditionnelle et confucéenne que Lee Ufan reçoit marque profondément l’artiste qu’il va devenir. Depuis les années 1960, Lee Ufan cherche l’équilibre entre ses racines coréennes et ses attaches au Japon, où il étudie et travaille, puis celles qu’il lie avec l’Occident – il participe dès 1971 à la Biennale de Paris.
À la croisée de ces trois cultures, le travail de Lee Ufan se veut universel et immédiat. Immédiat dans le sens où le langage n’est pas requis : Lee Ufan raconte volontiers qu’il commença à créer ses premières œuvres alors qu’il souhaitait étudier la littérature et la philosophie au Japon, mais qu’il ne maîtrisait pas la langue. Il décida alors de s’exprimer visuellement, sans passer par le langage ni par la figuration, mais par des gestes sensibles et par les « rencontres » qu’il provoque : rencontre entre un matériau naturel et un matériau industriel par exemple, dans sa célèbre série de sculptures Relatum. Il formule ainsi dès la fin des années 1960, dans la mouvance Mono-Ha (l’École des choses en japonais), une nouvelle définition de l’art, loin des codes occidentaux.
Chacune des œuvres de l’artiste a la puissance d'un aphorisme et traduit visuellement et physiquement des principes philosophiques d'une simplicité déconcertante, loin de toute figuration. Autour de ses grands thèmes de prédilection que sont les relations entre les choses et l’espace qui les environne, entre le plein et le vide, mais aussi le dialogue entre le faire et le non-faire, l’exposition propose une déambulation-méditation où s’incarne sa conception très personnelle de l’art contemporain.
Pour accompagner cette expérience, le compositeur Ryuichi Sakamoto a composé une bande-son pour l’exposition, en résonnance avec les matériaux, la poésie et la philosophie du travail de Lee Ufan.
Lee Ufan vit et travaille essentiellement entre Paris et Kamakura au Japon. Son travail a fait l'objet de présentations dans le monde entier au sein d’institutions telles que le Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, le Guggenheim Museum de New York, le Jeu de Paume à Paris et le Château de Versailles, le Kunstmuseum de Bonn et le Städel Museum de Francfort, ou encore le National Museum of Contemporary Art de Séoul ; ainsi que dans le cadre de nombreuses manifestations artistiques telles que les Biennales de Venise (2007, 2011), de Gwangju en Corée du Sud (2000, 2006), de Shanghai (2000), de Sydney (1976), de São Paulo (1973) et de Paris (1971).